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Une approche des risques d'illettrisme par la démarche statistique
L’illettrisme est complexe à appréhender statistiquement, accentué par l’absence de mesures précises et régulièrement à jour. Le Carif-Oref de Normandie propose, dans une nouvelle étude, une approche des risques d’illettrisme, notamment par l’observation statistique des conditions de scolarité, des conditions de vie et par l’analyse des environnements socio-culturels de la population. Cet article en dévoile les principaux constats.
Le sommaire :
- Repérage de la population en situation d'illettrisme ou exposée
- Repérage des difficultés en milieu scolaire
- Conditions de vie et d'emploi en Normandie
- Accès au numérique / situation d'illettrisme
Repérage de la population en situation d'illettrisme ou exposée
4,5 % des jeunes participants à la JDC sont considérés en situation d'illettrisme en Normandie
Le repérage des jeunes en situation d’illettrisme ou exposés se fait grâce à la Journée Défense Citoyenneté (JDC). En Normandie, 4,5 % des jeunes participant à la JDC 2020 sont en situation d’illettrisme selon les critères de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI) et 9,6 % ont rencontré des difficultés dans le domaine de la lecture avec plusieurs profils : ceux qui possèdent un niveau lexical oral correct mais ne parviennent pas à comprendre un texte écrit, ceux qui ont des mécanismes de lecture déficitaires et d’autres qui ont un niveau de lexique correct, mais comprennent mal ce qu’ils lisent.
Plus de 107 000 jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation (Neet) en Normandie
Une autre population est fortement exposée à un risque d’illettrisme, les Neet. Ils sont 107 000 jeunes à être ni en emploi, ni en études, ni en formation en Normandie. Parmi eux, 70 % sont en recherche d’emploi et 30 % sont inactifs. Le faible niveau de qualification est important : ceux qui n’ont aucun diplôme ou au mieux le brevet des collèges représentent 34 % du total des jeunes Neet.
Repérage des difficultés en milieu scolaire
40 500 élèves de sixième concernés par les évaluations de français et mathématiques dans l'académie de Normandie
Les premières difficultés d’apprentissage peuvent être repérées à l’école, notamment grâce aux évaluations effectuées à différents niveaux. Celles menées en classe de sixième sur l’académie de Normandie révèlent que 72 % des élèves de sixième ont une maîtrise satisfaisante des connaissances et compétences en français et 58 % en mathématiques. Ces évaluations permettent d’identifier les acquis et d’évaluer les besoins de l’élève pour adapter ensuite les pratiques pédagogiques.
A la rentrée 2021 sur notre territoire, 3,8 % des élèves étaient en retard à leur entrée en sixième (soit 1 512 élèves sur 39 680 entrants en sixième).
Les résultats de la France Pisa 2018 se situent a-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE
Pisa, le programme international pour le suivi des acquis des élèves, permet de situer le niveau des élèves français par rapport aux autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il ressort qu’en compréhension de l’écrit, culture mathématique et culture scientifique, le score moyen de la France se situe au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE. Celui-ci est stable depuis 2009 alors qu’il avait fortement progressé entre 2000 et 2009.
Le risque d’illettrisme est souvent la résultante de ce qui n’a pas été appris ou mal acquis à l’école mais celle-ci n’est pas la seule responsable. La question de l’éloignement socio-culturel des classes sociales défavorisées est également posée.
Conditions de vie et d'emploi en Normandie
En Normandie, 193 000 ménages (soit 431 500 personnes) vivent sous le seuil de pauvreté monétaire soit 13,5 % des Normands (14,6 % pour la France métropolitaine), ce taux variant de 10,2 % à 16,3 % selon l’arrondissement.
Les familles monoparentales plus touchées par la pauvreté
Les femmes sont plus affectées que les hommes par la pauvreté : 32 % des familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté, et 8 familles sur 10 ont une femme comme personne référente.
39 % des demandeurs d'emploi sont des chômeurs de longue durée
En Normandie, au 4e trimestre 2021, 39 % des demandeurs d’emploi étaient des chômeurs de longue durée, soit 55 778 sur 144 769 demandeurs d’emploi. La part des demandeurs d’emploi éloignés de l’emploi varie de 34 % à 41 % selon les départements.
Un Normand en emploi sur dix n'a aucun diplôme
11 % des hommes et 9 % des femmes en emploi âgés de 15 à 64 ans n’ont aucun diplôme.
Ce sont les catégories d’âge 45-54 ans et 55-64 ans qui comptent une part plus importante d’actifs en emploi non diplômés. Pour les 55-64 ans, cette part représente deux personnes en emploi sur dix.
Quel environnement familial et cadre de vie pour les 0-17 ans ?
L’observation de l’environnement et du cadre familial des moins de dix-sept ans offre une image assez précise des populations fragilisées. Ainsi en Normandie :
- L’indice de position sociale (IPS)* moyen des parents est de 101,4. Une valeur d’IPS élevée traduit un milieu social plus favorable mais aussi plus propice à la réussite scolaire de l’élève. A contrario, une valeur plus basse traduira des difficultés scolaires plus fréquentes et des orientations moins ambitieuses pour l’enfant, à résultats scolaires équivalents. (103 ,9 en France métropolitaine + Drom)
- 33,1 % ont leurs deux parents qui ont un diplôme inférieur au baccalauréat voire aucun diplôme et 23,4 % ont leurs deux parents diplômés de l’enseignement supérieur. (Respectivement 29,5 % et 29,0 % en France métropolitaine + Drom)
- 7,8 % ont au moins un parent qui est au chômage de longue durée. Cette insécurité économique peut affecter l’enfant dans sa scolarité d’un point de vue matériel ou/et psychologique. (8,8 % en France métropolitaine + Drom)
- 19,3 % vivent au sein d’une famille monoparentale. En Normandie, 81,1 % des parents de familles monoparentales sont des mères, 34 % de ces mères monoparentes sont sans emploi. Considérant que les femmes sont davantage confrontées à la précarité de l’emploi et à la pauvreté, ceci peut influer sur la réussite et le parcours scolaire. (20,3 % en France métropolitaine + Drom)
- 6,8 % vivent dans un logement surpeuplé. La part des enfants vivant en logement surpeuplé est notamment corrélée au coût élevé des logements. La Normandie est davantage épargnée par ce constat avec un taux de jeunes vivant dans un logement surpeuplé deux fois inférieur à celui du national. (13 ,9 % en France métropolitaine + Drom)
Accès au numérique / situation d'illectronisme
L'illectronisme concerne 16,5 % de la population française
L’illectronisme est défini comme l’inaptitude d’un individu à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques du quotidien. Ce phénomène touche 13 millions de personnes (16,5 % de la population) en France. 12 % des Français n’ont pas d’équipement Internet et près de la moitié présente au moins une incapacité numérique. A l’heure du Covid, les nouvelles habitudes numériques creusent les inégalités et mettent au ban les personnes les plus fragiles. Les foyers les plus modestes, les personnes les plus âgées, les moins diplômées, les agriculteurs et les ouvriers sont les plus touchées par l’illectronisme.
Des solutions de remédiation ?
Grâce aux acteurs engagés sur le terrain, des actions sont menées en Normandie pour prévenir et lutter contre l’illettrisme et l’illectronisme : les missions du Centre Ressource Illettrisme et Analphabétisme (CRIA) du Carif-Oref de Normandie, les actions de Pôle emploi et des Missions locales, les dispositifs régionaux (ex : programmes Savoirs essentiels et Savoirs numériques), les actions de l’Education nationale dans l’académie de Normandie (ex : Devoirs faits), les lieux d’accueil et d’accès aux services publics (ex : France Services) ou bien encore le plan de soutien aux associations de solidarité pour lutter contre la pauvreté et aider à l’insertion concourent à combattre le phénomène.
Pour l’année 2021-2022, la lecture a été érigée en Grande Cause nationale par le président de la République. La lecture constitue un vecteur de transmission du savoir, de culture, d'égalité des chances et, au-delà, d'épanouissement personnel pour tous. L’enjeu du collectif « L’Alliance pour la lecture » est de faire de la lecture un facteur d’inclusion sociale et de lutte contre les inégalités partout en France.
Malyka Déméautis (Carif-Oref de Normandie)